Je commencerai mon exposé par un historique du domaine du Grand-Lucé.
La seigneurie du Grand-Lucé apparaît au XIe siècle. Un fort nommé Castrum Luciaci fut construit pour défendre un fief tenu par les maîtres de Château du Loir. La ville de Lucé se bâtit au pied de ce fort, composé d'un donjon, entouré de fossés et de palissades, à l'intérieur desquels se trouvait également une église. Le château fut détruit pendant la guerre de Cent Ans, puis reconstruit par François de Coesmes, Conseiller et chambellan de Louis XI puis de Charles VIII. La reconstruction semble être achevée en 1455. A la Renaissance, des galeries furent ajoutées au fort du XVe. Le fief de Lucé fut érigé en Baronnie par François Ier, en 1539, en faveur de Charles de Coesmes, petit-fils de François de Coesmes. Deux siècles plus tard, le domaine passait aux mains du marquis Pineau de Viennay qui l'acheta en 1718. Le château fut alors peu habité, en effet, le marquis de Viennay y fit de courts et rares séjours, du fait de sa charge de conseiller au Parlement de Paris. Vers 1741, Jacques Pineau de Viennay, fils aîné de l'acquéreur de la baronnie, succéda à son père. Il avait épousé le 25 avril 1743, Marie-Françoise de Lalive de Bellegarde (1728-1786), fille d'un fermier général. Il n'habita jamais au château et ne s'y rendit que rarement. C'est pourtant lui qui fit raser la forteresse pour faire construire une demeure de plaisance dans laquelle il souhaitait vraisemblablement finir sa carrière. Malheureusement, il mourut quelques jours après son arrivée au Grand-Lucé, le 14 septembre 1764, avant même la fin de la construction de son château. A près sa mort, ses biens devinrent la propriété de ses enfants alors mineurs. Leur tutelle ne fut pas confiée à Madame de Lucé, mais à un Conseiller du Roi pour le fils aîné et à un Bourgeois de Paris pour les quatre filles. En 1766, Madame de Lucé obtint la jouissance du château et du parc, des bâtiments de la basse-cour, excepté le logement du régisseur et la propriété des meubles du château. Les enfants avaient la propriété du château et des fermes qui en dépendaient. Madame de Lucé se remaria en 1767, puis renonça en 1771 à son usufruit et son fils aîné reçut en héritage le domaine du Grand-Lucé, avant de décéder en 1774, laissant la Baronnie à l'aînée de ses soeurs, Anne Marie Françoise Louise. Celle-ci se fit désormais appeler "Mademoiselle de Lucé" et fut la première personne à profiter de la demeure de plaisance en y résidant à la belle saison. Le 2 juin 1781, un terrible incendie détruisit la ville aux trois quart. Le régisseur de Mademoiselle de Lucé ouvrit alors les portes du domaines afin d'héberger les malheureux habitants. La châtelaine prodigua également d'autres aides, en particulier à la reconstruction de la ville, en procurant aux habitants ardoises, bois et pierres à bas prix. Aussi, au moment de la Révolution, la demoiselle ne fut-elle pas inquiétée par les dénonciations et les persécutions. Seules les écuries furent réquisitionnées pour y conserver du fourrage, mais on alla même jusqu'à payer un loyer. Mademoiselle de Lucé décéda en 1806. Le château et ses dépendances devinrent la propriété de son neveu, Frédéric-François Achard-Joumard-Tison, marquis d'Argence. Celui-ci s'installa au château qu'il voulut pourtant démolir pour en vendre les matériaux. Heureusement, le coût de la démolition s'avéra trop élevé pour que l'opération ne soit rentable et le domaine resta la propriété de la famille. Après la Première Guerre mondiale, le domaine ne put être conservé par la famille d'Argence dont les héritiers directs étaient décédés et fût vendu au vicomte Georges d'Avenel. En mars 1939, sa fille, Madeleine, qui avait épousé en 1933 le prince Eric de Broglie, hérita du château et de ses dépendances. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le château fut mis à disposition de la Croix-Rouge française et accueillit un hôpital militaire anglais. Ruinée, Madeleine de Broglie céda le domaine à des marchands de biens en 1941. Ceux-ci tentèrent de l'exploiter en y installant une scierie avant de le mettre à disposition pour accueillir des soldats blessés et de le louer pour accueillir les colonies de vacances de la ville de Bonneuil-sur-Marne. C'est alors que le domaine fut acheté par l'Association pour le Développement des Préventoriums et des Aériums Français, en Décembre 1948. Le château et les communs vont, à partir de cette date, être adaptés aux activités de l'Association, jusqu'en 1997 où les malades furent installés dans des bâtiments neufs construits dans le parc du château. Après une "restauration" des jardins et d'une partie des communs, le domaine, géré alors par une association, fut ouvert à la visite. Une fois les restaurations des bâtiments terminées, le domaine fut acquis pour une somme symbolique par le Conseil général de la Sarthe qui avait financé les travaux et qui s'empressa de revendre cette belle demeure de plaisance au plus offrant, un riche décorateur américain...
Il va s'en dire que ce sujet me passionne!!! Je répondrais volontiers à vos questions si vous en avez. Prochainement, je vous parlerai de la construction de cette demeure, dont les traits les plus marquants sont de nombreux archaïsmes cohabitant avec beaucoup de modernités.
_________________ Ah, la belle statue, oh, le beau piedestal! - Les Vertus sont à pied et le Vice à cheval!
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